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Sommaire du numéro
La revue des musées de France. Revue du Louvre
3-2024
RÉSUMÉS FRANÇAIS
Une Fuite en Égypte attribuée à François I Roberday entre au Louvre
Michèle Bimbenet-Privat
De François I Roberday, orfèvre et facteur d’orgues (Orléans vers 1590-Paris 1651), n’étaient connus jusqu’ici
que quelques rares objets en argent dans le style « cosses de pois » et de célèbres pièces du mobilier
d’argent de Mazarin disparues lors des fontes de Louis XIV. Plus récemment, un coffret et des montures de
vases en pierres dures sont venus enrichir le corpus de ses œuvres. L’acquisition d’une étonnante Fuite en
Égypte vient apporter un chapitre supplémentaire à la connaissance de cet « ouvrier inventif et industrieux »
vanté par le comte de Brienne dans ses Mémoires. François I Roberday s’y révèle l’inventeur de sujets en
ronde bosse et de mosaïques tapissés de minuscules grains de verre, de plaques de pierres dures, de pierres
fines et de nacre. Ces créations, poursuivies par son fils François II Roberday (Paris 1624-Auffargis 1680) ont
encore connu au XVIIIe siècle une indéniable célébrité, attestée par les ventes des grands collectionneurs et
minéralogistes, avant de tomber dans un oubli complet.
Un nouveau tableau dans l’œuvre de la portraitiste Marie-Anne Loir (1705-1783)
Catherine Voiriot
La restauration récente d’un Portrait de la famille de François de Troy, conservé au musée Tessé au Mans, a
mis au jour une inscription au revers de la toile originale permettant d’attribuer la paternité de l’œuvre à la
portraitiste Marie-Anne Loir (1705-1783). Par ailleurs, cette inscription nous apporte une information
précieuse sur la formation de cette artiste femme sur laquelle on sait encore trop peu de choses malgré un
intérêt renouvelé de la part des historiens d’art ces dernières années. Cette découverte fortuite ouvre de
nouvelles pistes de réflexions et de recherche.
Les danseurs du crépuscule
Le bijou sarde entre tradition et modernité
Françoise Dallemagne
Dans le prolongement de l’enquête de terrain sur le bijou en Méditerranée menée en Sardaigne, pays où
l’orfèvrerie est riche d’influences multiples et où les artisans continuent à fabriquer des bijoux traditionnels,
le Mucem a acquis en 2022 une création de Caterina Murino. Actrice sarde, Caterina Murino est aussi
créatrice de bijoux et défend avec ferveur les savoir-faire des artisans de son île. Elle a ainsi imaginé une
ceinture en corail et argent filigrané qui cristallise à elle seule toute l’identité de l’orfèvrerie sarde, entre
tradition et modernité. Cette ceinture entre aussi en résonnance avec les bijoux et amulettes collectés en
Sardaigne dans les années 1960 par le musée de l’Homme et aujourd’hui conservés dans les collections du
Mucem. Pour dessiner les plaques en argent de cette ceinture, Caterina Murino s’est inspirée des bronzetti,
petites statuettes de l’ère nuragique trouvées lors de fouilles en Sardaigne, et des tapetti, tapis traditionnels
sardes. Antonio Marogna, orfèvre autodidacte, a ensuite réalisé cette ceinture dans son atelier d’Alghero,
réputé pour le corail. Pêché en Sardaigne de façon éthique et durable, le corail, apprécié pour ses vertus
prophylactiques, continue d’être travaillé pour orner bijoux et amulettes.
Sept années d’acquisitions au musée national de la Marine : bilan et perspectives
Damien Bril, Marine Désormeau, Marianne Tricoire
Cet article se propose de revenir sur la riche politique d’acquisition menée par le musée national de la Marine
depuis sa fermeture en 2017. Au cours de ces sept dernières années, plusieurs centaines d’œuvres et objets
sont venus enrichir les collections nationales, notamment dans le but de compléter le nouveau parcours
semi-permanent du musée, complètement remodelé. Le musée s’est attaché à renforcer certaines
thématiques liées aux différentes marines, déjà bien identifiées et représentées au sein des collections : la
pêche, la marine de plaisance et des sports nautiques, les peintres officiels de la marine ou la marine de
sauvetage ont ainsi été étoffées par l’entrée de nombreuses œuvres à l’inventaire. Une attention particulière
a également été portée à la patrimonialisation du fait maritime contemporain, qui soulève de nombreuses
questions que nous présenterons ici. Plusieurs pistes et nouveaux axes de développement des collections,
comme la prise en compte du genre ou de la question coloniale, émergent de ce bilan et seront approfondis.
Un atelier de restauration au cœur du musée
Blaise Diringer, Daria Gorbaczewska-Kuzniak, Élise Bachelet
L’atelier de restauration est indissociable de l’histoire du musée national de la Marine. Dès la constitution
de la collection au XVIIIe siècle, l’enjeu de la préservation des modèles de bateau est un sujet récurrent que
l’on peut identifier dans les sources d’archives. La transmission d’une compétence spécifique, pour la
restauration du gréement par exemple, établit un lien fort entre le musée, son histoire, et les conservateurs-
restaurateurs aujourd’hui en poste. Depuis le XIXe siècle, le métier de restaurateur a beaucoup évolué, et son
périmètre de compétences s’est élargi. Pleinement impliqué dans le chantier de rénovation, l’atelier a
accompagné les grands mouvements d’œuvres au départ de Chaillot en 2019, puis à leur retour en 2023. Il
a également débuté et piloté la campagne de restauration externalisée tout en assurant le traitement en
interne de 130 modèles. La diversité des matériaux constitutifs des œuvres a rendu ce travail complexe et
passionnant. En effet, sous l’appellation « modèles », on peut définir une multitude d’objets très différents
par leur origine, leur fonction, et leur mise en œuvre. Trois exemples de restaurations de modèles sont
présentés à la fin de l’article.
Le défi de la réinstallation des collections du musée national de la Marine
Lise Bret et Zoé Prieur
Le musée national de la Marine à Paris a fermé ses portes de 2017 à 2023, laissant la place à un chantier
historique, tant du point de vue architectural que du point de vue du traitement des collections. Dès le
lancement des travaux, les équipes ont mené une réflexion sur l’organisation générale du chantier, depuis
la restauration jusqu’à l’installation définitive des œuvres. Cet article, qui se place du point de vue des
régisseurs des collections, présente une synthèse des différents enjeux logistiques et techniques auxquels
les équipes ont été confrontées durant les quatre années précédant la réouverture du musée au Palais de
Chaillot. Toutes les étapes de manutention, de transfert et d’accrochage sont des phases de transition
risquées pour les œuvres. Dans un contexte calendaire serré, c’est donc l’anticipation, l’appui d’experts, la
préparation progressive des collections et, enfin, la coordination entre les acteurs, qui ont permis d’effectuer
la réinstallation des œuvres de façon optimale, tout en gardant pendant plusieurs années la capacité à se
réadapter en permanence à la réalité du chantier.
De nouveaux éléments d’identification pour un objet singulier : Femme au panier, projet de figure de proue
pour la frégate Vestale
Marine Désormeau et Guylaine Mary
En prévision de la réouverture du musée national de la Marine à Paris, un important chantier de restauration
a été lancé. Il a permis d’approfondir la connaissance des collections, en croisant les informations issues de
l’observation des objets, du travail de restauration, et de la recherche documentaire. Nous présentons ici le
cas d’un projet de figure de proue en cire, pour lequel nous formulons une nouvelle proposition de
provenance, de contexte de réalisation et d’identification. Après avoir replacé l’objet dans son corpus, nous
nous appuyons sur une lecture renouvelée des sources, archives et inventaires anciens, et sur l’étude de la
matérialité de l’objet, en abordant notamment les anciennes restaurations, pour éclairer le choix de
présentation de cet objet au sein du nouveau musée. Nous mentionnons également les nouvelles pistes de
recherches qui s’ouvrent à la lumière de ce travail, autour de cet objet en particulier, mais également autour
de l’ensemble des projets de décor naval en cire conservés par le musée.
Exposer la marine de guerre
La traversée « La France, puissance navale : histoire et innovations »
Solène Filluzeau
La rénovation du musée national de la Marine de 2015 à 2023 a été l’occasion de concevoir une nouvelle
présentation de la marine de guerre au sein du palais de Chaillot. Repenser l’équilibre entre les six marines
et la marine de guerre, ce fut pour le musée renouer avec le cœur de ses collections, les modèles de navire
de guerre, et re-questionner son héritage identitaire de musée militaire. L’enjeu était de développer une
muséographie réconciliant l’histoire et la technique, répondant à la commande politique du ministère des
Armées, et renouvelant l’exposition des œuvres au regard des attentes de publics variés. Entre rupture et
continuité, les choix muséographiques de la rénovation transposent la marine de guerre dans un nouvel
espace dédié, la « traversée » intitulée « La France, puissance navale : histoire et innovations ». Cette
galerie, portée par la scénographie de l’agence Casson Mann, explore la construction navale, l’innovation
technologique, la vie à bord, la conduite de la guerre et les grands jalons historiques, dans le but de présenter
la Marine d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Tempêtes et naufrages : un espace innovant de présentation et de médiation des collections
Clémence Laurent et Lucie Aerts
Autrefois réservé à un public initié et marqué par une scénographie vieillissante, le musée national de la
Marine a entrepris en 2015 une profonde rénovation afin de réinventer la manière d’exposer la mer et de
renforcer son attractivité auprès du plus grand nombre. La nouvelle scénographie de son parcours
permanent, conçue par l’agence Casson Mann, porte cette ambition : penser une muséographie innovante,
immersive et accessible à tous. L’image véhiculée dans la presse d’une immense vague numérique, au cœur
de l’espace Tempêtes et naufrages, devient alors le symbole de la transformation annoncée par le musée.
Toutefois, la véritable innovation ne réside pas tant dans l’immersion proposée que dans la manière dont
cette vague permet une mise en récit par l’espace, au service du propos muséographique. Valorisées par
cette nouvelle narration, les collections présentées sont aussi servies par une médiation renouvelée : des
dispositifs conçus dans une démarche d’accessibilité universelle et de médiation sensible rendent le visiteur
véritablement acteur de sa visite, favorisant une meilleure appréhension des contenus et des objets exposés.
Exposer la traite atlantique
Réflexions sur les choix d’une muséographie
Gabriel Courgeon
Comment exposer un sujet historiquement complexe avec peu d’objets ? Par quels biais le musée peut-il
restituer un discours sensible, intelligible et en devenir ? Quel rôle peut-il jouer dans la médiation et la
vulgarisation d’enjeux mémoriels ? Telles sont les questions auxquelles les équipes du musée national de la
Marine se sont confrontées en inscrivant la traite atlantique et l’esclavage colonial au programme
scientifique de la rénovation de l’établissement. Aujourd’hui présentes dans le parcours semi-permanent du
site de Chaillot, ces thématiques permettent au musée de réétudier en profondeur ses collections multi-
centenaires, de participer activement à la recherche et de se placer au cœur d’un réseau de partenaires et
d’experts qui font avancer la connaissance. Point d’étape sur un travail au long cours, cette étude rend
compte des réflexions passées et actuelles menées par le musée national de la Marine sur un chapitre
trouble de l’histoire maritime, aux ramifications multiples.